Elite Dangerous

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Commençons par un lieu commun : « Des premiers concepts physiques théoriques de l’antiquité à la médecine moderne, de l’armement au transport de marchandises et des personnes, les avancées technologiques ont permis à beaucoup de rêves de devenir réels. » Si aujourd’hui une poignée d’astronautes peuvent accéder au rêve que constitue l’espace, le commun des mortels peut se consoler avec la littérature, le cinéma ou le jeu-vidéo.

Et en 1984, David Braben et Ian Bell ingénieurs de 20 et 22 ans développent et sortent le jeu Elite. Le premier jeu dans un monde ouvert. Huit galaxies et 2000 systèmes stellaires à visiter. Le tout sur 20Ko (aujourd’hui Call of Duty Modern Warfare squatte 200Go sur votre disque dur si vous voulez avoir accès à toutes ses composantes). Des suites continueront l’extension de la galaxie imaginée par les deux ingénieurs. Dans Elite, vous incarnez un pilote de vaisseau spatial. Transporteur, explorateur, chasseur de prime, vous décidez. Ce qui fait que vous n’avez pas le statut de héros de l’histoire. En revanche d’aventure en aventure, vous pourrez créer des liens avec les diverses factions de la Voie Lactée.

Elite: Dangerous

Depuis 1984, le milieu a bien changé. Les simulations spatiales sont passées de mode, remplacées par les jeux de tir comme DOOM puis les Call of Duty, etc. Mais avec l’émergence de kickstarter, de nouveaux projets sont apparus. Braben, en 2012, lance une campagne pour une nouvelle version de Elite, nommée cette fois Dangerous. Le but est de recréer la Voie Lactée de manière à ce que les joueurs puissent en explorer le moindre recoin, en ajoutant un aspect massivement multijoueur. Le projet est un succès et Elite: Dangerous sort fin 2014 et est une évolution des anciens de la série. Il manque tout de même au début le vol atmosphérique, et même planétaire tout court. En effet impossible de s’approcher d’un satellite ou d’une planète. Il faut attendre 2016 et l’extension Horizon qui va ajouter aux vaisseaux des Scarabée VRS (Véhicule de Reconnaissance de Surface) et l’approche planétaire. Si techniquement c’est impressionnant, malheureusement Frontier Dev n’a pas réussi à l’époque à justifier de se poser sur des planètes mis à part pour récupérer des matériaux ou des biens spécifiques liés à la progression.

Une communauté active, c’est toujours un plus.

Parce que la progression est un des points clivants de ce projet. S’il n’y a pas de trame principale, d’antagoniste identifié, le joueur est invité à écrire son histoire en tant que pilote dans la masse. Concrètement vous commencez par passer un exercice de vol, puis vous êtes lâché dans l’univers. Alors on peut se faire un début de réputation en transportant des colis, des messages, en chassant des pirates dans des champs d’astéroïdes. Ou devenant carrément un pirate soi-même. Mais bon, sans matériel, ça va être compliqué. Les contrôles doivent être modifiés par vos soins, et mis à part les contrôles principaux, il faudra aller dans les paramètres pour comprendre ce qui fait quoi. Et oui, qui dit simulation dit systèmes opaques et complexes.

En commençant à remplir des contrats, vous améliorerez la perception qu’ont de vous les superpuissances. Il y en a trois :

  • La Fédération, sorte d’ONU capitaliste ayant pour capitale la Terre et plus vieille faction.
  • L’Empire, système monarchique parlementaire ayant fait sécession de la Fédération il y a plusieurs siècles.
  • L’Alliance (des systèmes indépendants), qui fédère les systèmes de la bordure de l’espace humain.

Le jeu se déroule aux alentours de 3300. Et l’Humanité n’a pas appris grand chose. L’esclavage est pratiqué dans encore beaucoup de systèmes indépendants, et l’Empire possède un système d’esclaves impériaux, un peu à la manière de la Rome antique. Les drogues sont légales ou non selon le système, et de la même manière pour les armes et autres marchandises. Vous pourrez donc acheter vendre détourner des biens pour de la réputation ou de l’argent ; en faisant attention à la légalité et la moralité de votre cargo.

Aux superpuissances s’ajoutent les puissances locales. Elles se battent pour le contrôle de leur système et ont des relations avec des superpuissances. Donc en travaillant pour un système, il se peut que vous travailliez indirectement pour un des trois acteurs majeurs. En plus de cette hiérarchie de factions, Frontier a introduit avec l’extension Horizon le Power Play. Pour simplifier, chacune des grandes puissances (et quelques indépendants) possèdent quelques personnalités fortes qui veulent étendre leurs sphères d’influence au maximum. Vous pouvez prêter allégeance à l’une d’entre elle pour récupérer des récompenses spécifiques impossibles à obtenir ailleurs. ces acteurs vont de l’impératrice et du président fédéral au seigneur de guerre indépendant.

Ce n’est pas le pilote qui choisit le vaisseau

Ce qui vous définit, c’est votre vaisseau. Il y a 37 vaisseaux spatiaux différents dans Elite: Dangerous, et 6 fabricants avec chacun leurs gammes et donc leur esthétique propre. Les rôles vont du petit vaisseaux d’exploration de 30 mètres à la frégate de combat de 170 mètres ! On a aussi des vaisseaux de transport de passagers et des cargos. Chaque vaisseau a (selon son moteur) un sound-design propre, et on ne dira jamais assez que le son de ce jeu est simplement parfait. Chaque propulseurs, canon, rayon ou impact fait ressentir la taille et le poids du véhicule, l’échelle de ce que l’on est en train de faire. Et pour un jeu se faisant en caméra subjective c’est pas rien que de faire apprécier au joueur un vaisseau de la taille d’un terrain de foot !

Du côté design, le facteur goût personnel entre toujours en jeu. Mais le fait est que pour des dessins qui ont presque 40 ans pour certains, une esthétique particulière se dégage de cet univers. Un peu comme une voiture de collection, il y a une nostalgie, une idée de ce à quoi doit ressembler cette machine dans l’esprit des années 80. Et encore une fois sur 37 modèles il y aura forcément une forme pour vous attirer !

Outre le Sidewinder de base qui est une petite boîte à mouchoir fournie gratuitement en cas d’accident ou de perte de votre vaisseau, la gamme de prix est très large : comptez 50.000 cr pour une petite navette de transport et 250.000.000 cr pour une frégate. Mais là aussi le génie de ce jeu réside dans l’aspect bac à sable. Selon l’endroit où vous êtes à un moment donné, la faction qui domine l’endroit peut avoir une influence sur le prix des vaisseaux, des pièces détachées, etc. Par exemple dans la Voie Lactée de 3307, il est de notoriété publique que les systèmes dirigés par Li Yong Rui (PDG de Sirius Corp.) offrent une réduction sur chaque vaisseau.

Mis à part vos vaisseaux personnels, il est aussi possible d’acquérir un porte-vaisseaux. Une sorte de station spatiale privée qui peut se déplacer de 500 années lumière par saut, que vous pourrez modifier pour le l’excavation de minerai, l’exploration ou le combat. Le propriétaire peut aussi ajouter des services de station transformant vraiment le porte-vaisseaux en station communautaire. Parce que pour pouvoir en acheter un et l’entretenir avec des options, il va vous falloir un groupe de joueurs, ou économiser très longtemps. En effet, le porte-vaisseaux commence à 5 milliards de crédits. Si l’on veut rester réaliste, il vaut mieux trouver un groupe communautaire (ou mieux jouer avec des amis) avec qui participer à des activités. On y reviendra.

DES ALIENS !

Bien. Que ce soit un film, un livre, un jeu ou un jouet, l’espace sans aliens, sans menace dépassant le cadre de la sympathique boucherie entre humains n’est pas le vrai espace de science-fiction. C’est l’espace nul où on ne va pas. Dans Elite, une espèce insectoïde est entré en conflit avec l’Humanité. L’Homme a fini par prendre le dessus par des moyens peu recommandables. Depuis, les Thargoïdes comme on les appelle, tiennent leurs distances malgré quelques accrochages. Récemment néanmoins, une augmentation de ces activités ont mené à la création par les 3 superpuissances du groupe AEGIS, avec pour mission de repousser les Thargoïdes. Bien sûr une partie de l’Humanité veut communiquer avec les Thargoïdes, puisque certains sont apparemment pacifiques. Personnellement, je n’ai jamais la chance de tomber sur un insecte sympathique mais bon. Deux groupes créés par des joueurs existent pour répondre à cette menace : l’AXI pour Anti Xeno Initiative, un groupe de pilotes déterminés à abattre absolument tous les aliens qu’ils croisent et HALT, un groupe pro-aliens qui a disparu vers 3305. Aujourd’hui l’AXI détruit tous les vaisseaux qu’elle soupçonne sympathiser avec l’ennemi, créant ainsi des tensions entre les pilotes de la région.

Le bac à sable

L’intérêt au final d’une simulation comme Elite est d’immerger le joueur dans son univers. Malgré l’absence d’une galerie de personnages haut en couleur à la manière d’un jeu solo plus centré, ici l’ensemble des factions avec lesquelles on travaille (ou complote) peuvent changer de statut, de santé économique, et donc étendre leur influence, celle de leur personnalité de power-play et de la superpuissance associée. De même, si vos premières missions seront banales au possible, au fur et à mesure que la glace se brise avec la faction locale (de même qu’avec votre progression au sein des superpuissances), vous obtiendrez des missions bien plus difficiles, et intéressantes.

Il existe plein de communautés de joueurs, aux objectifs et activités variés. Certains organisent des expéditions sur plusieurs jours, en partageant un emploi du temps avertissant les membres des départs des portes-vaisseaux (ce serait dommage de manquer le seul engin capable de vous ramener au bercail tranquille). D’autres postent leur porte-vaisseaux dans des systèmes riches en minerai loin de la civilisation et se transforment en plateforme d’échange, évitant aux mineurs d’avoir à rentrer vendre leur minerai sans protection. Il est clair que le profit sera moins élevé en vendant dans un porte-vaisseaux que dans une station, mais le gain sur la durée est réel ; depuis 2 ans que les porte-vaisseaux sont en jeu, une économie s’est mise en place autour des positionnements de porte-vaisseaux. Certains ont même placé leur porteur à Beagle Point qui est la balise humaine la plus éloignée de la Terre, à 65.000 années lumière, afin d’offrir aux explorateurs les plus courageux un abri et un peu de contact humain. Et pour le combat, le fait de pouvoir placer un point de réapparition proche de la zone de conflit est une bénédiction. Donc si vous en avez les moyens ou si vous êtes amis avec un Bill Gates de l’espace, ce genre d’interactions avec la communauté est un des points forts du jeu.

We have fuel. You don’t.

Bien sûr explorer l’espace est dangereux. Des étoiles à neutrons pourront brûler votre coque plus vite que vous ne pourrez partir, des mondes à très forte gravité vous pousseront à l’erreur, etc. Même le plus expérimenté des pilotes peut faire une erreur, et lorsque l’on se trouve à plusieurs milliers d’années-lumière de l’espace habité, voir la fin arriver et recommencer depuis un station, c’est la honte. Heureusement, la communauté est là ! Les Fuel Rats sont des secouristes de l’espace. C’est un collectif de joueurs dont la seule mission est de répondre aux appels de détresse, ou qu’ils soient, quels qu’ils soient. Pas de paiement, pas d’allégeance ou quoi que ce soit. Des sauveteurs qui font ça par principe. Vous pouvez vous trouver n’importe où, si vous êtes en panne d’essence vous pouvez aller sur le site web des Fuel Rats et demander leur assistance. Ils vous donneront toutes les consignes nécessaires, et une fois l’opération terminée, il vous expliqueront comment éviter cela à l’avenir. Des gens très sympathiques en somme, à un tel point que se montrer hostile envers eux tournera très mal pour vous : des vidéos d’archive sur YouTube vous montrerons ce qui arrive à ceux qui attaquent les secouristes.

Odyssey

Cette année arrive la seconde extension majeure de Elite Dangerous. Elle apporte un élément que tout le monde attend : pouvoir bouger son gros c.. pouvoir enfin se lever de son siège et fouler la terre ferme ! Elle sortira ce mois de mai. Pour l’instant, les joueurs ont pu jouer à l’alpha, qui a progressivement activé des fonctionnalités du jeu. La première phase a coincé tout le monde sur une station sans appareil personnel, afin de tester le nouveau système de taxi. S’il-vous-plaît, évitez les taxis. Ils sont lents, ils ne parlent pas, et on aurait pu penser que les taxis utiliseraient des vaisseaux de transport de passagers, et pas un Adder, un petit vaisseau cargo à 50.000 cr. On a aussi pu essayer les nouvelles missions au sol dans les nouvelles bases. Les gardes sont limités mentalement ; dommage, mais l’IA n’est pas un domaine dans lequel beaucoup de studios investissent … ou du moins en ont l’air. Les installations au sol ont une architecture cohérente par rapport au reste du jeu, mais là encore on peut vite voir la limite de la génération procédurale. Les bâtiments sont souvent disposés de manière semblable, ou arrangés de la même manière. Les stations sont aussi accessibles à pied, et là ou un Star Citizen mise sur le gigantisme réaliste de ses installations, dans lesquelles on va se perdre pendant plusieurs heures, Elite Dangerous propose un hub dans chaque station avec les services adéquats. Plus restreint mais plus contrôlé. La station n’aura pas les mêmes finitions dans son architecture selon le domaine économique du coin. D’un côté on ne passe pas 20 minutes dans un métro pour rejoindre un terminal de spatioport ou après trois quarts d’heure on pourra décoller, mais de l’autre on a vite fait le tour de la station, et il n’y a pas tant de choses à faire que ça.

On peut enfin se mettre à côté de son vaisseaux en vue subjective à pieds, et l’échelle de taille est impressionnante. Mais on touche là LE gros problème d’odyssey à mes yeux. Au début du projet en 2012, Braben et son équipe avait expliqué avoir dessiné les vaisseaux avec une logique : si l’anaconda fait 120 mètres, c’est parce que le cargo est agencé de telle manière, les cabines ont des fenêtres que l’ont peut voir de l’extérieur … la plupart des vaisseaux possèdent même une rampe d’accès sur l’un de leurs trains d’atterrissage. Mais non, lorsque l’on quitte son cockpit, l’écran devient noir et se rallume avec notre personnage téléporté à l’extérieur. De même, l’intérieur des vaisseaux n’est pas inclus ! Mon plus grand regret. On peut comprendre d’un point de vue technique : créer une instance dans le vaisseaux en mouvement dans un espace vaste, pour que le joueur puisse se déplacer à pied, en faisant marcher le reste du jeu sans que ça aie un intérêt vital pour le gameplay. Encore une fois prenons Star Citizen qui malgré tous ses défauts a réalisé l’intérieur des vaisseaux dans l’idée de les utiliser pour plusieurs types d’activités.

Enfin je dirai que le plus bizarre dans cette alpha est qu’au final la communauté a testé des versions tests et des technologies dont le développeur même nous dit que ce ne sont pas celles qui sont utilisées pour la version finale de l’extension. Pourquoi tester le prototype à un mois de la sortie ? Surtout quand l’argument qui ressort le plus souvent est « éviter des spoils »… Mais le simple fait d’apprécier une autre dimension beaucoup restreinte de cet univers est suffisante à mes yeux pour que cela en vaille la peine à petit prix. Le problème est que tout l’aspect de grind est exacerbé à pieds. Les joueurs se sont plaint depuis la sortie de Horizon que le système des Ingénieurs (des marchands qui peuvent améliorer vos composants contre des matériaux à récupérer au 4 coins de la galaxie, et à condition qu’ils vous aiment bien) était abusif puisque avec leur apparition, les meilleurs pièces non modifiées sont mauvaise face à leurs versions modifiées. Et bien là, c’est pareil mais pour des fusils et des armures. Encore moins palpitant. Et le problème est que les ingénieurs dédiés au gameplay au sol sont exactement du même acabit que les classiques. Même farm débile qui aspirera votre âme, des améliorations aux nombres aléatoires …

Conclusion

En conclusion, ce monde est magnifique. Il y a tellement d’activités différentes dans lesquelles se perdre … Et malgré les défauts, si l’espace vous intrigue un minimum, la beauté du ciel suffit à apprécier le jeu. Vraiment vous pouvez vous contenter d’un aspect du jeu et il vous suffira. Le minage peut être ennuyeux comme il peut donner lieu à des affrontements entre pirates et forces de sécurité locales. L’exploration peut vous faire voir des choses que j’ai rarement voire jamais vu autre part. Le commerce et le transport sont des activités zen et/ou répétitives qui ne seront (la majorité du temps) pas très dangereuses ou palpitantes. Bien sûr le plus sympa reste de faire un peu de tout. Enfin sachez que ce jeu voudra vous tuer et donc se renseigner sur la communauté, regarder des guides est malheureusement nécessaire pour s’y retrouver et avoir un bon départ. Le bon côté dans tout cela est que vous avez plus de chance de trouver des pilotes sympathiques avec qui faire vos armes. Voilà la morale de l’histoire : l’important c’est les gens ! Tout les problèmes peuvent être amoindris par la présence d’une communauté qui envers et contre tout continue à se créer des histoires.